L’une des choses les plus importantes à mon sens que l’on apprend à un enseignant dans les matières didactiques et pédagogiques, c’est que l’enseignement ne consiste pas uniquement à transmettre. Il s’agit pour l’enseignant de faire entrer l’élève dans une culture, et en même temps, de lui donner les clés qui lui permettront de pouvoir s’extraire de cette culture si besoin est. En d’autres termes, il s’agit de lui donner les armes qui lui permettront de critiquer les phénomènes ayant cours dans sa propre société avec la prise de distance nécessaire.
Les systèmes coloniaux pour justifier leur démarche avaient trouvé comme prétexte l’apport d’un enseignement qui devait apporter aux Noirs « la civilisation ». Ce soi-disant enseignement basé sur l’assimilation et le paternalisme exacerbé, ont fait entrer brutalement et violemment les Africains dans une culture qui n’était pas la leur. Cette culture, elle a été présentée, et elle continue à être présentée comme étant la meilleure, la norme. La mission « civilisatrice » coloniale basée sur le lavage de cerveau avait un but précis : abrutir les Africains, en faire des valets qui singent leurs maîtres afin qu’ils puissent dire « Amen » à toutes les demandes de ceux-ci. Ce lavage de cerveau efficace a obtenu des résultats au-delà des espérances de ceux qui l’ont théorisé. En effet, il a réussi aux niveaux politique et économique puisque des chefs d’État potiches, totalement soumis aux colons, leur ont vendu les ressources et la souveraineté de plusieurs pays du continent. Les hommes politiques qui sont arrivés à s’extraire de ce lavage de cerveau, et qui, ont voulu inoculer son antidote à leurs compatriotes, ont été presque tous éliminés. Mais le lavage de cerveau ne s’est pas arrêté à la politique et à l’économie, elle a surtout réussi au niveau sociétal.
Chez de nombreux Africains, un signe facilement repérable permet de constater la réussite du lavage de cerveau : l’apparence extérieure. Cette apparence n’est pas adoptée en fonction de l’aisance que l’individu escompte ; elle est adoptée en fonction de singeries, ou en fonction d’une apparence considérée comme étant la norme : celle de l’Occident. Il suffit de voir nos hommes politiques crouler sous le poids de leurs vestes et de leurs cravates sous les tropiques avec 40 degrés à l’ombre. Un habillement occidental inadapté une grande partie de l’année dans nombre de pays africains, mais que les politiciens chérissent plus que tout au monde. Il y eut des années ou avoir des cheveux crépus et une peau noire et luisante était signe de fierté. L’influence du combat des Noirs Américains contre la ségrégation, et le fol espoir panafricain étaient passés par là. Les singeries avaient perdu du terrain. Mais ces trente dernières années, elles sont revenues à la charge, plus violemment qu’avant.
Ces singeries ont gagné tellement de terrain qu’elles arrivent à instiller dans certaines personnes la détestation de leur couleur de peau et de leurs cheveux. En effet, la norme culturelle et sociétale parfaite reste la peau blanche, les cheveux gominés ou tombant sur les fesses. Dans les villes africaines et chez certains Européens d’origine africaine, la recrudescence de cette détestation du Noir prend un tour inquiétant. Non Messieurs, il ne faut pas regarder uniquement du côté des femmes car la dépigmentation vénéneuse, les cheveux gominés, les tissages, perruques et autres artifices absurdes ne sont pas uniquement l’apanage des femmes. Les hommes aussi en ont toujours été victimes.
Certes, on me dira qu’il est difficile d’entretenir des cheveux crépus dont les racines entraînent de nombreux séances de soins à l’aide de produits particuliers comme le beurre de karité ; des efforts que certains assimilent à de véritables corvées. Ils choisissent alors la solution la plus facile, celle que la société leur impose. Ils cèdent sous ses coups de boutoir consuméristes sans jamais vraiment prendre conscience des répercussions sur leur propre santé. A-t-on jamais vu un Blanc se noircir complètement la peau au motif qu’il aurait une peau beaucoup plus belle et résistante ? Non, les Blancs bronzent, pas parce qu’ils voudraient devenir Noirs, ou qu’ils trouvent nécessairement que le Noir est beau. Par contre, de nombreux Africains ont fait du blanchissement de peau et du lissage obligatoire de cheveux le code de beauté par excellence. Des siècles après, alors que les Noirs parviennent eux-mêmes après de longues études à décoder les ingrédients culturels imposés à leurs aïeux, ils continuent quand même à en faire des références de beauté incontournables. Et c’est là que l’on se rend compte que l’arme de l’aliénation fabriquée par le système colonial a une capacité de destruction similaire ou même supérieure à celle des bombes atomiques qui ont frappé Hiroshima et Nagasaki à la fin de la deuxième guerre mondiale. Plusieurs années après, ces deux phénomènes continuent de causer des dégâts importants dans les sociétés où elles ont frappé. Dans le cas japonais, naissent des estropiés physiques, dans le cas africain, naissent des estropiés mentaux dont les cerveaux sont conditionnés.
Vivez avec vos cheveux et votre peau au naturel ! Et si la société vous le reproche sous n’importe quelle forme, rassurez-vous en vous disant que vous vivez véritablement libre !