Demande d’interpellation du député Kalvin Soiresse À Madame Caroline Désir, Ministre De L’enseignement Obligatoire, relative aux pratiques illégales en matière de gratuité scolaire.
Madame la Ministre,
Les réactions des secteurs de l’éducation, de l’enfance et de la famille ont été nombreuses suite à la décision d’un juge de paix namurois de débouter une école qui poursuivait une famille pour des frais impayés. Au-delà des “mauvaises pratiques” ou du manque d’information, les réactions de structures comme la Ligue des Familles, le Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté ont remis au goût du jour la question des pratiques totalement illégales des écoles qui accentuent les inégalités.
Notre enseignement fait face à des urgences dans tous les domaines. Avec les objectifs fixés par le Pacte d’Excellence et la Déclaration de Politique Communautaire, il s’agit d’une véritable course contre-la-montre pour résoudre une série de problématiques dont on sait qu’elles ne se résorberont qu’avec le temps et la mise en oeuvre efficace de toutes les mesures. Et tout ceci, dans une situation budgétaire très difficile. Néanmoins, les moyens financiers utilisés pour l’enseignement sont considérés par les écologistes comme un investissement. En ce sens, nous pouvons nous réjouir de l’effectivité de la gratuité qui a eu lieu dès cette année en première maternelle. Il nous faut pouvoir regarder la situation avec réalisme, sans démagogie afin de trouver les bonnes solutions.
Madame la Ministre, il est des urgences qui sont prioritaires par rapport à d’autres. La gratuité en fait partie. Dans certaines situations, les différences socio-économiques créent une rupture d’égalité entre élèves dans l’accès à l’enseignement. Plusieurs études réalisées dont celles de la Ligue des Familles montrent qu’au-delà des difficultés budgétaires auxquelles peuvent faire face les écoles, certaines mettent en place des pratiques parfois illégales. Des pratiques qui favorisent les conditions menant aux inégalités, alors que l’un des objectifs de l’école doit être de mettre en oeuvre tous les moyens pouvant permettre un accès égal à l’enseignement pour tout.e.s les élèves. Sans remettre en cause l’autonomie des écoles en termes d’organisation, il est pour nous important que l’autorité politique et l’administration soient plus regardants et plus fermes sur les pratiques illégales auxquelles seules les familles les plus aisées peuvent faire face. Dans une étude[1] datant d’août 2019, la Ligue des Familles a enquêté sur ces pratiques illégales à partir des témoignages anonymes. Les résultats de cette enquête recoupent assez largement les témoignages quotidiens des parents. On y retrouve pêle-mêle l’imposition d’achat de produits scolaires avec une marque précise alors qu’il s’agit d’une pratique totalement interdite. Il y a également l’imposition de l’achat de tee-shirts ou de bonnets de piscine portant obligatoirement le logo de l’école, pratique interdite par la circulaire n°4516 du 29 août 2013. D’autres demandes constituent de véritables contournements des dispositions du Décret-Missions du 24 juillet 1997 qui interdisent par exemple qu’on réclame des frais de photocopies dans le fondamental. Dans le même sens, et encore plus inquiétant, certaines écoles perçoivent indirectement un minerval en demandant qu’un montant soit versé sur le compte d’une ASBL.
On l’a vu, l’exigence de certains frais légaux reste problématique au regard des dispositions de textes internationaux et de notre Constitution qui prescrivent la gratuité scolaire. Elle est aussi problématique au regard des moyens exercés par les écoles pour recouvrer ces frais. Si on rajoute à cela des pratiques illégales, il est tout à fait compréhensible que les inégalités se creusent davantage en ce qui concerne l’accès à l’enseignement.
Certaines écoles sont de bonne volonté dans la nécessité de dialoguer avec les parents et de tenir compte de leur situation sociale. Elles n’ont donc pas d’exigences inconsidérées ou illégales vis-à-vis des familles. Ce n’est cependant pas le cas de toutes les écoles. Lors des dernières réunions de commission, j’ai interrogé votre collègue Madame Glatigny sur la place qui sera accordée à la dimension socio-culturelle dans la Formation Initiale des Enseignant.e.s. Des acteurs de terrain tels Changement pour l’Égalité dénoncent le fait que certains acteurs de l’enseignement ne soient pas sensibles aux dimensions sociale et culturelle sur lesquels le Décret-Mission insiste pourtant.
Madame la Ministre, vu l’état de la situation, il faudrait agir. Pourriez-vous nous dire si vous comptez agir pour :
- Un contrôle plus systématique de la réglementation afin de détecter les illégalités sans attendre que les parents portent plainte ?
- Mettre en place une procédure de plainte plus anonyme des parents auprès de l’administration puisque beaucoup d’entre eux ont peur des répercussions sur leurs enfants .
- Une sensibilisation plus accrue des acteurs de l’enseignement à travers la simplification ou la vulgarisation de la législation ainsi qu’une sensibilisation aux difficultés sociales rencontrées par les familles ?
- Dans sa décision, le juge namurois indique par exemple qu’il faut «prendre en compte les facultés contributives dues aux origines sociales et culturelles des élèves afin d’assurer à chacun des chances égales d’insertions sociale, professionnelle et culturelle». Cette interprétation du Décret Mission ne devrait-elle pas être généralisée via une clarification des circulaires gratuité ?
Je vous remercie pour vos réponses.
KALVIN SOIRESSE
DEPUTE