Je reprends ci-dessous l’excellente chronique de Emery Biko Mpolo, Contributeur et Chroniqueur dans l’émission “Sous l’Arbre” de Radio Campus Bruxelles où je travaille moi-même. L’élection d’un candidat d’origine africaine au poste de bourgmestre n’est pas une fin en soi pour la communauté africaine subsaharienne mais elle ouvre un champ des possibles et permettra sans doute une émulation en son sein.
“J’aurais pu intituler cette chronique en ces termes : « Pierre Kompany, premier bourgmestre noir de Belgique ? » Mais j’entends déjà les esprits chagrins crier : « Communautariste ! » Je ne suis d’ailleurs pas sûr que le titre que j’ai choisi échappe à ce procès. Pour leur répondre, j’utiliserai la célèbre formule d’un ancien président français réputé pour son sens de l’humour caustique en privé : « ça m’en tire l’une sans bouger l’autre ! » Je m’en moque éperdument. Dans ce cas précis, être taxé de communautariste ne me fait ni chaud, ni froid, parce que la schizophrénie mentale qui existe chez certaines personnes quand on parle des Noirs, m’attriste. En effet, il quatre ans, lorsque aux États-Unis, un afro-américain accédait à la Maison Blanche, nous avons tous vu des gens, quelle que soit leur couleur de peau, crier leur joie et même parfois pleurer justement parce qu’un Noir devenait Président américain. Et quand en Belgique, la même chose est susceptible d’arriver, mais à un niveau beaucoup plus modeste je vous l’accorde, les mêmes personnes deviennent tout à coup réservées et me parlent de communautarisme. Ce n’est donc pas demain que nous verrons un Noir au 16, rue de la Loi. Cependant, on y a aujourd’hui un homme d’origine italienne, ce qui était inimaginable il y a quelques années encore. L’espoir est donc permis pour les Noirs et les Arabes, le temps que certains esprits s’ouvrent peu plus. On espère que l’élection de Pierre Kompany à la tête de la commune de Ganshoren y contribuera.
C’est lui qui a fait Vincent, pas l’inverse !
L’un des reproches qui est fait à Pierre Kompany est de capitaliser sur le nom de son fils. Ma première réaction lorsque j’entends un tel reproche dans un pays où la cooptation politique basée sur le nom de famille est monnaie courante, c’est le sourire ironique.
Aujourd’hui, toute la Belgique ou presque est fière de Vincent Kompany. Un garçon qui n’est pas seulement intelligent des pieds, il l’est aussi de la tête et a une très bonne jugeote, ce qui n’est pas très courant dans le milieu du football sans faire injure aux footeux. Un garçon équilibré, simple, intelligent et cultivé de surcroît que même les Anglais envient à la Belgique. Mais arrive-t-il aux gens de se poser la question de l’origine du bon sens de ce gamin ? Leur arrive-t-il de se questionner sur ceux qui ont consenti des sacrifices afin que ce gamin soit aujourd’hui un exemple célébré dans ce pays ? Pas suffisamment je crois, car la question du nom de famille de Pierre ne se poserait même pas, ou du moins pas en ces termes. C’est Pierre et sa défunte épouse qui ont fait Vincent ; ce sont eux qui lui ont donné une éducation admirable comme tous les bons parents qui se soucient de l’avenir de leurs enfants. Pierre Kompany ne devrait donc pas avoir à se justifier sur un nom de famille aujourd’hui célèbre dont il est avec sa défunte épouse l’un des principaux architectes.
Un homme compétent et expérimenté avant tout
Avant d’être d’origine africaine, congolaise, ou avant même d’être Noir, les qualités du candidat Kompany sont la compétence et l’expérience.
Le parcours de vie de Pierre Kompany n’est pas celui d’un privilégié. Rien ne lui a été offert depuis son arrivée en Belgique dans les années 1970. Ingénieur primé et Professeur, il a dû se battre pendant longtemps pour se faire la place qu’il a aujourd’hui. Échevin des travaux publics dans sa commune, il compte à son actif plusieurs réalisations et une expérience utile au poste de bourgmestre. Le respect qu’il inspire à ses concitoyens n’est pas négligeable.
Un homme de défi et de culot
Pour se lancer dans une telle aventure en étant exclu du PS à moins d’un an des élections, il faut avouer qu’il faut avoir un sacré culot, du courage, et surtout une force mentale.
Pierre Kompany s’était imposé un défi après plus de 30 ans de militantisme au sein du PS : proposer un projet alternatif à celui de la bourgmestre, conscient de son poids électoral, surtout que cette dernière n’est pas connue pour être une grande rassembleuse d’Hommes. La réponse du parti à ces trente ans de militantisme ne fut pas la compréhension, mais la menace. Malgré les pressions, Pierre Kompany tint bon jusqu’à son exclusion du PS, déterminé avec la liste Pro Ganshoren à atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés. Cette force de caractère lui sera d’un grand secours si après le 14 octobre, le maïorat tombe dans son escarcelle, car les embûches semées par ceux qui ne voulaient pas le voir gagner son combat ne manqueront pas sur sa route politique.”
Emery Biko MPOLO
Chroniqueur et Contributeur pour Sous l’Arbre À Palabre (Radio Campus Bruxelles)