L’une des curiosités de la société belge, et plus spécialement de son intelligentsia, est son rapport à l’Afrique. Tout le temps, l’Afrique pour cette intelligentsia, se résume et se réduit à l’Afrique des « Grands Lacs » comme ils l’appellent. En fait, il ne s’agit pas des Grands lacs en tant que tel, mais plutôt de la République Démocratique du Congo, du Rwanda, et du Burundi. Et quels spécialistes pour ces trois pays ! Des spécialistes qui livrent de ces trois pays une vision assez belge, chargée des préjugés et des stéréotypes issus de l’histoire coloniale qu’on connaît.
Prenons par exemple le paysage médiatique : il n’existe sur les grandes chaînes aucune grande émission qui décortique de manière assez profonde l’actualité des pays africains en dehors des périodes de grandes crises. Et il faut justement attendre ces grandes crises comme les guerres en Côte-d’Ivoire et au Mali pour improviser des émissions où interviennent ces pseudo-spécialistes qui, la plupart du temps, ne parlent que de la République Démocratique du Congo. On leur demanderait de parler un peu du Congo voisin, ils seraient largués. Certaines chaînes qui n’avaient des correspondants qu’en Afrique centrale, se précipitent alors pour en avoir en Côte-d’Ivoire ou au Mali. J’entends déjà certains crier : « il y a Afrik’hebdo sur la RTBF radio ! » Franchement, une émission radio hebdomadaire sur l’Afrique, que dis-je, sur les Grands Lacs la majorité du temps, est-ce vraiment suffisant pour un tel continent ? Et c’est dans ce contexte d’improvisation empreinte d’amateurisme profond qu’on se rend compte de la profonde méconnaissance, voire de l’ignorance de cette intelligentsia concernant les réalités africaines. À longueur de journée, on ne fait qu’entendre des inepties, des inexactitudes, des mensonges des pseudo-spécialistes et des questions hors de propos des journalistes.
Sur le Mali, on a vu surgir de nulle part des « Malilogues » qu’on n’avait jamais entendu sur le Mali avant l’intervention française et qui, soudain, reçoivent une révélation presque divine, leur conférant des connaissances pointues sur le pays du grand Président Modibo Keïta. Il en fut de même pour la Côte-d’Ivoire il y a deux ans de cela.
Toutefois, il faudrait distinguer ces pseudo-spécialistes car ils n’ont pas tous le même profil.
Les alliés des politiques mafieuses
La première catégorie est celle des journalistes qui s’accommodent et profitent des pratiques mafieuses en cours des deux côtés de l’atlantique. Les chefs d’État africains, souvent dictateurs et leurs alliés occidentaux ont leurs relais dans la presse européenne en général, et belge en particulier. Les dictateurs n’hésitent pas à sortir le chéquier pour payer des articles ou des reportages montrant une image plutôt positive de leur action. On le sait, et c’est un secret de polichinelle pour ceux qui suivent de près ces affaires. Des dictateurs comme Omar Bongo, Sassou Nguesso, Paul Biya, Mobutu et autres, sont ou étaient connus pour payer grassement des articles ou des reportages réalisés sur commande. Ces journalistes, dès que ces crises éclatent, sont en première ligne, afin de pouvoir en engranger quelques bénéfices sonnants et trébuchants.
Et il y a aussi dans le même genre, les pseudo-spécialistes de ces crises qui eux, n’y vont pas demain morte. Ils prennent des positions en fonction des avantages financiers ou en nature qu’ils peuvent tirer auprès de tel ou tel régime en prenant position en sa faveur. Toutes ces personnes forment un réseau permanent jouant dans le même camp.
Les ignorants qui veulent se faire remarquer
Lorsqu’on parle d’évènements sérieux où on évoque des milliers de morts, l’approximation n’est pas acceptable. C’est pourtant ce que l’on voit chez certains invités sur des grandes chaînes. Ces invités loin de connaître parfaitement leur sujet, sont invités juste parce qu’ils sont par exemple professeurs d’histoire, d’anthropologie ou de sciences politiques, et qu’ils abordent des « aspects » touchant l’Afrique. Ou alors, on fait venir un acteur associatif obscur, originaire du pays où le drame se passe et qui s’est très peu intéressé à l’actualité politique. Parfois, ces personnes vivent depuis des années en Belgique, ne sont plus retournées depuis longtemps au pays, et ne suivent plus l’actualité, absorbées qu’elles sont par le moyen de gagner de l’argent.
Ces personnes acceptent ces invitations car elles y voient le moyen de se faire voir à la télévision, de se faire entendre à la radio, et de de se faire ainsi un peu de publicité.
Il faut le dire de façon claire : ce traitement de l’actualité africaine est indigne de la Belgique et elle est irrespectueuse des Africains !
En face, il y a du répondant, mais aux moyens limités malheureusement
Face à ce traitement indigne, depuis plus de trente ans maintenant, trois générations de citoyens d’origine africaine se sont mobilisés pour avoir dans la mesure du possible une actualité africaine de qualité. Malheureusement, dans ce combat, ces trois générations ne sont incarnés que par un nombre réduit de personnes qui toutes, ont travaillé ou travaillent pour l’émission « Sous l’Arbre À Palabre » sur Radio Campus Bruxelles tous les dimanches après-midis. Une émission qui tente d’être au plus près de l’actualité des pays africains tout le temps, et pas seulement lorsqu’une grande crise éclate. Elle manque malheureusement de moyens, mais fait tout pour creuser là où les grandes chaînes creusent rarement. Elle est tenue à bout de bras par des bénévoles passionnés depuis 1982 ! C’est l’une des plus anciennes émissions du Paysage Audiovisuel Belge.
Et sur le Mali, comme beaucoup d’inepties ont été dites sans qu’aucun grand débat public n’ait eu lieu, Sous l’Arbre À Palabre organise avec le Mouvement pour la Renaissance Africaine (Moraf) un débat public avec des invités qui eux, ne se proclament pas spécialistes de la question malienne, mais la suivent maintenant depuis plusieurs années, et sont à même de débattre avec des arguments justes.
Voici ci-dessous l’invitation :
Sous l’Arbre A Palabre, SAP Production et le Mouvement pour la Renaissance Africaine (MORAF) ont le plaisir de vous convier à une rencontre-débat : Guerre de la France au Mali : Enjeux et Conséquences pour le Mali et toute la région du Sahel. A l’Horloge du sud, samedi 23 février à 18h.
Avec Fatoumata SIDIBE, député Bruxelloise; Madi SISSOKO, Secrétaire Général du Conseil des Maliens de Belgique; Olivier DOSSOU FADO, Vice-président du Mouvement pour la Renaissance Africaine (MORAF); Louise NGANDU, politologue; Kalvin Soiresse NJALL, journaliste à Radio Campus/Sous l’Arbre à Palabre, modérateur.
Avec le soutien de L’horloge du Sud, du MORAF et de SAP Productions.
Contacts : Yves K. LODONOU, 0474 378 376 ou arbrapalabre@yahoo.com
Horloge du sud : 141, rue du Trône, 1050 Bruxelles
PAF : 2 euros
www.arbrapalabre.be