Prendre position contre Wade : un devoir d’Africain !

Une place forte de la démocratie africaine est en danger : le Sénégal.

Le Sénégal est connu depuis les indépendances comme une terre du continent africain où le débat démocratique est présent et sain malgré les quarante années pendant lesquels le Parti Socialiste a vampirisé le pouvoir par l’intermédiaire de Léopold Sédar Senghor d’abord, et d’Abdou Diouf ensuite. On peut reprocher plusieurs griefs à Senghor et Diouf : leur autoritarisme habilement ficelée, leur soumission presque aveugle à la France, leur appartenance à la Françafrique etc. Mais une chose n’a jamais été en danger malgré cette présence quasi ininterrompue d’un seul parti à la tête de l’Etat : le respect des textes qui permet de garantir une stabilité politique du pays.

La traîtrise d’Abdoulaye Wade

Lorsqu’il est porté à la tête de l’Etat sénégalais au grand bonheur de nombreux Africains qui crurent tout de suite à une revitalisation de la politique africaine et à un exemple qui ferait tâche d’huile sur d’autres terres, Wade souleva un immense espoir. J’avais 18 ans lorsqu’il terrassa Abdou Diouf et l’éléphant socialiste. J’entrais en terminale, dernière étape avant l’université. Mes idées politiques bouillonnaient déjà à l’époque au rythme de débats enflammés avec les copains du lycée au Togo. Nous criâmes à tue-tête le “Sopi” – slogan d’Abdoulaye Wade qui voulait dire le changement – sous l’oeil désapprobateur des dirigeants de notre lycée qui ne voyaient pas nécessairement d’un bon oeil ce changement imprévu. Abdou Diouf symbolisait selon eux la stabilité, Wade l’aventure. Nous élèves, pensions plutôt à une nouveauté et à un nouveau vent frais politique qu’apporterait ce opposant acharné, courageux, têtu qui avait fait de la prison et pour qui l’obstination était une vertu.

Le héros de mes 18 ans se transforme aujourd’hui en traître absolu. Pourquoi lui imprimer à 85 ans le sceau de la traîtrise ? Parce qu’il a osé franchir la ligne puérile que n’osèrent jamais franchir ses prédécesseurs qui surent quitter le pouvoir à temps. Cette ligne rouge, c’est la remise en cause des textes fondamentaux que les militaires sénégalais eux-mêmes, contrairement à beaucoup d’armées africaines, n’ont jamais remis en cause.

Le pouvoir absolu corrompt absolument

Après deux mandats successifs, Wade s’est cru trop beau. Il s’est cru tellement beau et intelligent qu’il a voulu prendre les Sénégalais pour des écervelés. Le vieux Gorgui a passé tout son temps à vilipender Laurent Gbagbo. Il a toujours été le premier à demander à certains de ses pairs comme Kadhafi de savoir partir dans la dignité. Installé aujourd’hui à la tête d’un pouvoir pourri mais qu’il croit encore fort, il essaye de s’assurer un troisième mandat après un tour de passe-passe constitutionnel destiné à berner les peuples africains. En effet la réforme par laquelle la présidence passe du septennat au quinquennat ne peut en aucun cas juridiquement garantir la possibilité d’un troisième mandat au vieux néo dictateur alors que la Constitution l’interdit clairement.

Une seule chose obsède ce vieux sénile dont le régime est corrompu jusqu’à la moelle, la question de la succession. Il sait qu’il est au crépuscule de sa vie. Obsédé par l’avenir de son fils chéri qu’il voit grand, il veut imposer ce dernier à la tête de l’Etat. Le continent en a marre des régimes aristocratiques à présidence monarchique. Ces derniers fleurissent partout sur le continent, sur des terres où la dictature a laissé ses germes : le Togo, le Gabon, la RDC… la Tunisie et l’Egypte en prenaient le chemin mais ont été balayés par le soulèvement des peuples.

Notre devoir d’Africain est donc de ne pas laisser de dictature s’installer sur cette terre de fertilité politique qu’est le Sénégal. Le risque est que nous retombions dans un cycle de dictatures politiques sans précédent sur le continent.