Intitulée « la Belgique ne doit pas s’excuser auprès du Congo »[1], l’interview que le Professeur Elikia Mbokolo, sommité de l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora, a accordée au journal belge l’Écho a mis le feu aux poudres dans plusieurs milieux. Le titre épinglé par le journaliste a créé un choc au sein des communautés congolaise et africaine. Le choc était d’autant plus grand qu’il a suscité des incompréhensions au vu des positions antérieures claires du Professeur quant à la dénonciation de la perversité du système colonial belge et de sa propagande. Elikia Mbokolo aurait-il subitement changé d’avis au point de dispenser la Belgique du devoir qui est le sien de reconnaître les torts commis dans les colonies ? L’interview ayant eu lieu dans le cadre de l’exposition Notre Congo – La propagande coloniale belge dévoilée, il était important d’avoir des précisions à la conférence qu’il donnait dans ce cadre. Conférence tenue ce vendredi 03 octobre dans les locaux réservés à l’exposition au Musée Belvue.
Très vite, interpellé sur le contenu de cette interview, le titre accrocheur du journal l’Écho s’est effondré comme un château de cartes. En réalité, le Professeur va plus loin que la question des excuses ou du pardon qui pour lui n’aura pas d’impact aussi significatif que le débat sur les réparations.
La demande de pardon, non ! La réparation, oui !
Très tôt le Professeur a clarifié sa position sur le contenu de l’interview. Courir derrière les autorités belges pour réclamer des excuses n’aura pas d’impact dans la lutte pour l’obtention d’une justice au niveau de l’histoire et de la mémoire. Il faut pour lui, monter des dossiers solides pour attaquer immédiatement la question des réparations pour les nombreuses exactions et méfaits en tous genres commis par la colonisation belge.
« Exiger des excuses est une posture coloniale. Je ne veux pas me mettre dans une position d’esclave vis-à-vis de ceux qui ont esclavagisé mes grands-parents pour exiger des excuses. Le pardon se limiterait à un chiffon de papier » selon Elikia Mbokolo.
Après plusieurs années de lutte, les Congolais ont gagné le combat de l’indépendance. « Nous avons gagné ! » a affirmé à plusieurs reprises le Professeur pointant du doigt le fait qu’en Europe, l’Allemagne qui a perdu la deuxième guerre mondiale n’a jamais demandé pardon à la France.
Le pardon dû aux Congolais doit venir de la famille royale, de l’église catholique et des institutions financières, pas du belge moyen !
Elikia Mbokolo est resté constant sur son refus de voir des excuses présentées par les Belges au nom de la Belgique. Pour lui, le Belge moyen a été instrumentalisé et berné par une propagande belge bien huilée. Par contre, il a pointé les trois plus grandes institutions ayant participé à la prédation coloniale comme ceux qui doivent absolument s’excuser et demander pardon. La famille royale, l’église catholique et les institutions financières sont les institutions qui ont servi de bases principales pour la domination et la prédation coloniales. Elles ont nourri la propagande coloniale et ont cautionné des massacres, des exactions et des injustices de toutes sortes.
Pour Elikia Mbokolo, c’est de la responsabilité de ces trois institutions de reconnaître tous les méfaits de la colonisation et de demander pardon. Le Belge moyen ne peut être tenu pour responsable de ces méfaits. On ne peut donc attendre de ce dernier de quelconques excuses.
La prise de position d’Elikia Mbokolo est on ne peut plus claire. L’interview dans l’Écho doit être remis dans son contexte et être accompagnée des précisions énumérées plus haut.
[1] http://www.lecho.be/nieuws/archief/La_Belgique_ne_doit_pas_s_excuser_aupres_du_Congo.9550374-7499.art?highlight=Elikia%20Mbokolo