Comme dans le mythe de Sisyphe, ça va et ça vient, telle est la cadence des conflits à l’est du Congo, dans les Kivus depuis plus de vingt ans. Mais à chaque fois, un nom revient avec insistance, le Rwanda. A une époque, l’Ouganda et le Burundi avaient aussi été évoqués mais les noms de ces deux pays ont disparu. Alors pourquoi le pays des mille collines reste-il aux yeux de beaucoup le trouble-fête de toujours dans la région ?
Un gouvernement congolais très faible et une armée tactiquement désorganisée
Le conflit entre l’armée congolaise et les mutins du M23 – mutins et ex membres de la rébellion du CNDP de Laurent Nkunda qui ont signé un accord avec le gouvernement congolais le 23 mars 2009 pour intégrer l’armée – s’est intensifié.
Plusieurs hélicoptères de l’armée congolaise et de la Mission de l’ONU en RDC (Monusco) ont bombardé, ce jeudi 12 juillet, des positions du Mouvement du 23 mars (M23) dans la province du Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo. Ces bombardements, selon Alexandre Essomé, chef de l’information de la Monusco à Goma, visent à empêcher tout avancement des mutins du M23 vers les positions des Forces armées congolaises (FARDC) et notamment vers la ville stratégique de Goma.
Les bombardements militaires ont eu lieu dans la région de Rutshuru, à 70 kilomètres au nord de Goma. Des explosions ont été entendues, notamment dans la localité de Nkokwe et la colline de Bukima, qui se situent à la frontière ouest du parc national des Virunga adossé, à l’est, au Rwanda et à l’Ouganda. Depuis le mois de mai, les rebelles du M23 tiennent plusieurs collines dans cette zone et contrôlent toujours le poste frontière crucial de Bunagana.
Du côté du gouvernement congolais, on confirme la riposte et on accuse très clairement le Rwanda et Paul Kagamé comme étant l’instigateur de cette nouvelle rébellion qui secoue les provinces du Kivu à l’est du pays.
Au passif des dirigeants congolais, contrairement à ce qu’affirme M. Lambert Mende, il faut mettre la désorganisation de l’armée congolaise dans l’est du pays, la tactique douteuse de repli mise en place alors que l’armée encerclait Bosco Ntanganda il y a quelques semaines, et la déroute de 600 soldats faisant partie d’une unité d’élite de l’armée ; des soldats qui se sont réfugiés au Rwanda. Le moins qu’on puisse dire est qu’il existe une véritable faiblesse dans la gestion de l’armée congolaise. Malheureusement les dirigeants congolais sont plus occupés à ne pas respecter leurs promesses qu’à véritablement régler la crise à l’est. Comment peut-on vouloir régler un problème aussi épineux lorsqu’on observe un tel amateurisme jusqu’au sommet de la hiérarchie de l’armée ? Que fait le chef des forces armées, le président Kabila, lui-même militaire de formation ? Son absence de réaction ferme ne fait que crédibiliser ceux qui l’accusent de traitrise et de compromission au profit du voisin rwandais.
Le Rwanda, pion des Etats-Unis dans la région ?
Le Rwanda a été accusé par la RDC et plus récemment par l’ONU de soutenir activement les rebelles du M23. Dans un rapport des Nations unies rendu public en juin, il est établi que c’est depuis le Rwanda qu’une « aide directe » – constituée d’armes et de recrues – a été organisée pour former le M23. Selon plusieurs sources, les rebelles disposeraient désormais de près de 2 000 hommes et d’armes lourdes. Les Etats-Unis ont pendant longtemps bloqué la publication de ce rapport. Pourquoi ? Parce qu’entre temps, Obama et les siens ont fait le choix du pays qui constituerait leur relais dans la région des grands lacs africains. Et ils ont choisi pour plusieurs raisons, le Rwanda au détriment de la RDC. L’une des raisons est ce vieux projet conçu depuis les années Clinton d’instaurer un grand marché dans la région ; un marché qui ne serait pas contrôlé par les Africains eux-mêmes mais depuis Washington par l’intermédiaire de Kigali. Acculés par les réactions internationales, les Etats-Unis ont finalement demandé du bout des lèvres à leurs alliés rwandais de cesser de soutenir la rébellion de l’autre côté de la frontière.
Il ne faut pas non plus oublier que la déstabilisation de l’est du Congo profite au Rwanda en termes d’accès à certaines ressources minières qu’il exploite. Le pays a été accusé à plusieurs reprises d’exporter des ressources qu’il ne produit pas.
De son côté, Kigali a accusé Kinshasa de relancer la coopération entre son armée et les rebelles hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) en vue de lancer des attaques contre le Rwanda. Il faut dire qu’à chaque rébellion, Paul Kagamé ressort toujours ce vieil argument éculé. Il semble oublier qu’il y a peu, les chefs d’état-major des armées rwandaise, congolaise et ougandaise se sont rencontrés afin de mettre leurs forces en commun pour sécuriser la région. A quoi sert ces rencontres si ce n’est faire montre d’hypocrisie en voulant faire croire à tout le monde qu’on est de bonne volonté pour résoudre la crise ?
Il n’est pas certain qu’une fois le problème des FDLR réglé, l’est du Congo retrouve son calme. La RDC doit clairement se donner les moyens d’être plus percutante dans la défense de son territoire afin oserions-nous dire, de marquer son territoire et de mettre la pression sur les Etats-Unis. Il faudrait qu’elle soit aussi plus diplomatiquement active de s’allier certains pays influents en Afrique tels que l’Afrique du sud. Tant que l’axe Washington-Kigali sera aussi fort, l’est de la RDC ne retrouvera presque jamais son calme. Il faut changer le rapport de forces militaire et diplomatique même si cela peut prendre du temps. A moins que les autorités congolaises aient un autre agenda caché que l’on ne saurait connaître…