Le Kamerun est un volcan endormi. De tous les peuples africains qui, après une longue répression laissent exploser leur colère, le peuple du Kamerun est celui dont l’explosion risque de faire trembler le continent. Tous les ingrédients d’une colère sourde, immaîtrisable sont réunis depuis plusieurs années à travers des épisodes sanglants.
Si la Côte-d’Ivoire a été pour la France une expérimentation réussie de la création d’une de ses préfectures d’outre-mer, le Kamerun a été le champ d’expérimentation réussi de la Françafrique. Cette nébuleuse politico-financière mafieuse par laquelle la France tient sous son joug une quinzaine de pays africains est née au Kamerun comme l’ont révélé les auteurs du livre Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique, 1948-1971.[1] Avec Madagascar et l’Algérie, le Kamerun est sans aucun doute le pays occupé de force par la France qui a le plus payé le prix du sang par sa résistance à cette colonisation barbare. Plus de 16 ans de guerre contre le régime français et ses valets du Kamerun. Une guerre incarnée par l’Union des Populations du Cameroun, le parti d’authentiques héros africains, Ruben UM NYOBE, Félix MOUMIÉ, Ernest OUANDIÉ, Osende AFANA, etc., deuxième plus ancien parti nationaliste et panafricain après l’ANC en Afrique du sud. Des valets incarnés par l’UNC (Union Nationale Camerounaise) du dictateur Amadou Ahidjo prolongé par le RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais) de l’autocrate Paul Biya. Ces deux valets ont un point commun : la servilité vis-à-vis de la France. Que massacres, que de familles brisées, d’exilés, de mouvements persécutés ! L’UPC fut l’un des partis africains les plus persécutés.
Face à la barbarie de ce régime devenu néocolonial, l’opposition connut après l’échec militaire final de l’UPC en 1971 des épisodes de résistance sanglants : l’opération « villes mortes » en 1991, les manifestations en 1992 suite à la victoire volée par le régime Biya de l’opposant John Fru Ndi à l’élection présidentielle. Durant les « émeutes de la faim » en 2008, un soulèvement de la jeunesse contre le régime ayant pour point de départ la hausse des prix du carburant et des denrées de première nécessité, l’opposition politique fut dépassée. Depuis plus rien, ou pas grand-chose. On la croyait finie, écrabouillée. Beaucoup dans les mouvements de résistance africains face aux soulèvements dans plusieurs pays se posaient la question de l’opposition au Kamerun. Depuis quelques mois, une petite musique, douce et agréable, arrive à nos oreilles. L’opposition se réveille, elle se réorganise à travers des unions de différentes formes et selon différentes stratégies. L’UPC des Fidèles qui est restée sur la ligne politique des pères fondateurs du parti s’inscrit dans cette résistance commune de l’opposition. Et le régime tremble, il panique ! En témoigne la disproportion de la violence qu’il a utilisée pour réprimer la tenue d’une simple conférence de presse ce mardi 29 mars 2016. Conférence de presse programmée par une plate-forme regroupant des partis de l’opposition dont l’UPC des fidèles, le CPP, le MRC, l’AFP, le parti UNIVERS ; des associations de la société civile et d’autres personnalités d’horizons divers. Comme le dit le communiqué de l’UPC des Fidèles, « L’objectif de cette opération était d’abord de porter à la connaissance du peuple kamerunais, l’état d’avancement du travail de concertation engagé entre les différentes forces de changement dans notre pays qui militent pour une transition politique ; avant pour celles-ci de présenter leurs propositions et leur plan d’actions pour barrer la voie aux manoeuvres en cours visant à pérenniser un système dont les limites ne sont plus à démontrer. »[2] Des forces de l’ordre venues en grand nombre ainsi que des autos-pompes pour interdire une conférence de presse ! Plusieurs militants ont en outre été arrêtés. C’est le signe d’une peur et d’une panique évidente dans le camp du régime dictatorial.
Si le régime panique, ce réveil de l’opposition ne doit pas être un simple sursaut ou soubresaut mais le début d’un véritable mouvement vers un véritable changement de régime, de gestion du pays et vers la construction d’une nouvelle société libre du Kamerun. Pour cela, ce régime doit être harcelé par différentes techniques de résistance et par différentes révoltes. Par l’opération « villes mortes », l’opposition politique rassemblée a déjà prouvé par le passé que des techniques de résistance pacifiques, elle pouvait ébranler cette dictature. Au moment de l’explosion finale de la colère du peuple, elle doit être prête à transformer cette colère en outil de changement et de refondation du système de gestion du pays. Cette fois-ci, il est temps d’achever la dictature ! Car comme le proclame la devise de l’UPC des Fidèles : « Un autre Kamerun est possible, d’autres choix sont nécessaires ».
[1] Manuel DOMERGUE, Jacob TATSITSA, Thomas DELTOMBE, Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique, 1948-1971, Paris, Éditions La Découverte