De l’impérieuse nécessité pour notre génération de s’inspirer du panafricanisme de Sankara et Moumié

Félix Roland Moumié, mort assassiné, président de l’Union des Populations du Cameroun (UPC) il y a bientôt 32 ans, le 3 novembre 1960, empoisonné au thallium par William Bechtel, agent des services secrets français.

Thomas Isidore Noel Sankara, président du Burkina-Faso, mort assassiné il y a bientôt 25 ans, le 15 octobre 1987, mitraillé en plein conseil des ministres, trahi par son meilleur ami, Blaise Compaoré, au pouvoir depuis cette funeste date avec le concours et la bénédiction de la France d’un certain François Mitterrand.

 

Félix Moumié était médecin, homme politique camerounais, exilé après l’assassinat de son compagnon de lutte, Ruben Um Nyobé, secrétaire Général UPC. Président en exil de ce parti qui, luttait encore les armes à la main, contre la fausse indépendance octroyée par la France au Kamerun et contre les serviteurs que la France a mis au pouvoir pour servir ses intérêts. Il était de la génération des pères de l’indépendance. Il avait sur le continent des alliés progressistes qui, partageaient avec lui l’idéal du destin africain, réalisé par les Africains eux-mêmes. Il n’a jamais eu accès au pouvoir pour réaliser cet idéal.

 

Thomas Sankara était militaire, capitaine par son grade, issu d’une génération qui connut la fin de la décolonisation, qui fut étouffée par les dictatures naissantes, et dans l’esprit de laquelle les forces impérialistes et réactionnaires voulurent tuer l’idée du panafricanisme révolutionnaire. Pas le faux panafricanisme servile de l’ancien dictateur ivoirien, vassal de la France, Félix Houphouët Boigny ; mais le panafricanisme des Africains, par les Africains, pour la libération du continent et de son développement. Contrairement à Moumié, il eut l’opportunité d’accéder au pouvoir et d’appliquer tout ce que l’idéal panafricain, progressiste et révolutionnaire pouvait apporter à un pays enclavé et au sous-sol pauvre comme le Burkina-Faso : l’autosuffisance alimentaire, les usines de transformation des produits locaux qui faisaient la fierté des Burkinabé, les infrastructures, l’émancipation sociale de la femme, l’élimination de traditions rétrogrades et nuisibles telles que que l’excision ou le mariage forcé, l’enrayement des maladies comme le choléra etc…

 

Paradoxalement, dans leurs générations respectives, Moumié et Sankara avaient été repérés par l’administration coloniale pour leur intelligence vive. Envoyés dans des structures coloniales qui, formaient des Africains acculturés, politiquement soumis au colon, ils étaient destinés à devenir des oppresseurs de leurs propres peuples. Contrairement aux Senghor et autres, Moumié et Sankara utilisèrent ces structures comme des leviers de construction de leurs consciences panafricaines. Moumié lors de ses études de médecine à l’école professionnelle William Ponty de Dakar où on le remarqua par son engagement fougueux dans la contestation estudiantine pour préserver les droits des étudiants, pas camerounais uniquement, mais de toute l’Afrique.

Thomas Sankara lors de sa formation d’officier à l’Académie militaire d’Antsirabé à Madagascar assiste à une révolution où l’armée joue un rôle déterminant. Resté sur la grande île une année supplémentaire pour y effectuer son service civique, il se rend compte lors de ses séjours à la campagne où l’armée assume des tâches d’éducation et d’animation, qu’un soldat peut servir à autre chose qu’à assassiner et maintenir ses concitoyens sous le joug colonial.

 

Ces deux hommes montrèrent par ces exemples qu’on pouvait aller à “l’école du Blanc” sans pour autant tomber dans l’asservissement idéologique comme le sont encore certains aujourd’hui. Leur clairvoyance leur permirent de prendre du recul et d’utiliser ces écoles pour la construction de leurs propres consciences, au grand dam du colon impérialiste. Pour ces deux hommes, le panafricanisme n’était pas un vain mot, contrairement à certains d’entre nous qui, le crient à tue-tête, mais qui, le moment venu de le traduire en actes, se replient sur leur “congolité”,” ivoirité”, “togolité”, “angolité”, “marocanité” … et autres micronationalismes nuisibles et haineux, vides de toute efficacité politique, économique et sociale.

Moumié sillonna le continent entier, des Algériens du FLN aux Sud-Africains de l’ANC, en passant par l’Egypte de Nasser, le Ghana de Nkrumah, la Guinée de Sékou Touré, sans oublier les lumumbistes du Congo. Peu de gens le savent d’ailleurs, mais il fut ministre sans portefeuille dans le gouvernement Patrice Lumumba.

Sankara était quant à lui cerné par des traîtres, hostiles au vrai panafricanisme, différent du panafricanisme vicieux que nous impose l’Europe au moyen d’organisations régionales fantoches comme la CEDEAO (Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest) ou la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire des Etats d’Afrique Centrale). Son seul allié était le président ghanéen, John Jerry Rawlings, qui, fit du Ghana, le pays qu’il est devenu aujourd’hui, cité en exemple. Malgré ces difficultés, Sankara développa des visions politiques panafricaines dont la résonance est aujourd’hui encore profonde : la solidarité africaine autour du non payement de la dette injuste, le marché africain, la souveraineté alimentaire africaine, l’union politique africaine, etc.

 

Nous, nouvelles générations, devons nous inspirer de leurs exemples et de leurs idées. Mais pour parvenir à une conscience politique similaire à leur, il faudrait nous former à une vision panafricaine des sociétés africaines et de leurs diasporas. Le panafricanisme, ce n’est pas seulement l’idée d’une unité politique. C’est aussi une idéologie basée sur des pratiques politiques, économiques, sociales et culturelles, et une vision de l’Afrique bien précises.

Rendez-vous donc ce samedi 13 octobre à 14 heures précises au 52, rue des Alliés, à 1190 Bruxelles pour une animation exceptionnelle sur le panafricanisme autour de ces deux figures légendaires.