Côte-d’Ivoire: la réconciliation est-elle morte-née?

 Qui a dit qu’il n’y aurait pas de règlement de compte, ni de vengeance ? En tout cas, il apparaît clairement que ceux qui ont tant proclamé la réconciliation nationale risquent de la faire avec eux-mêmes et non avec leurs adversaires. En effet une alerte de la commission d’enquête internationale sur les violations des droits de l’Homme dans le pays a sonné l’alarme.

“Des crimes réels ont été commis par les parties en présence et ça continue à être le cas. La preuve de cela: il y a encore des réfugiés qui fuient cette région”, a déclaré lors d’une conférence de presse le Soudanais Suliman Baldo, l’un des trois experts de la commission.

Dans un rapport publié mercredi, Amnesty International écrit que “les très graves violations et atteintes aux droits humains commises, depuis l’arrestation de Laurent Gbagbo” le 11 avril par les forces pro-Ouattara “montrent que les populations appartenant à des groupes ethniques considérés comme partisans” de l’ex-président “continuent d’être la cible d’attaques”.

Ainsi donc, on compte faire la réconciliation avec une partie de la population que l’on pourchasse et que l’on tue. Le rapport d’Amnesty International ne va pas faciliter la tâche de reconstruction nationale qui incombe aux nouvelles autorités ivoiriennes.

En criant qu’ils sont venus restaurer la démocratie, la moindre des choses pour ceux qui détiennent le pouvoir est de mettre fin aux différents règlements de compte qui continuent, et qui sèment un peu partout les germes de la haine dans les cœurs. Et si beaucoup se soumettront parce qu’ils ont peur du nouveau régime, les flambées de violence seront systématiques au premier accroc. Et la Côte-d’Ivoire ne pourra jamais réussir sa reconstruction.

Il est temps pour ceux qui sont au pouvoir de prendre leurs responsabilités et d’arrêter maintenant qu’ils sont aux affaires de gérer l’Etat que de toujours justifier ce qui se passe par les agissements de l’ancien régime de Laurent Gbagbo, qui emprisonné n’a plus aucune capacité de nuisance. Il ne faudra pas dans cinq ans prendre encore pour prétexte le rôle joué par l’ancien président afin de justifier d’éventuelle erreurs. Messieurs Ouattara et Soro voulaient le pouvoir, ils l’ont eu dans les conditions calamiteuses que tout le monde connaît. Il est temps pour eux de se comporter en hommes d’Etat et de bien gérer le pouvoir. Bien gérer le pouvoir, c’est aussi empêcher ses partisans de pratiquer la chasse à l’homme, la vengeance pour que la Côte-d’Ivoire puisse se rassembler, retrouver un vrai débat politique ainsi qu’une sérénité nécessaire à sa reconstruction.