Article paru sur Slate Afrique sur le roman “Les Bureaux Paternels”

« Les Bureaux paternels », la polygamie à la question

Les Bureaux paternels est le premier roman d’un jeune écrivain et journaliste togolais Kalvin Soiress Njall, édité conjointement par les éditions de l’Harmattan à Paris et les éditions du Mandé à Bamako.

« Je suis retenu au bureau », est l’excuse la plus courante pour un homme qui veut cacher à sa femme ses infidélités. En Côte d’ébène, pays au nom imaginaire d’Afrique Sub-saharienne où se situe « Les Bureaux paternels », un homme qui à plusieurs maîtresses a plusieurs « bureaux » : des permanents pour les officielles, des ambulants pour les occasionnelles, le plus souvent des étudiantes désargentées qui cherchent un moyen de financer leurs études. C’est dans ce contexte que le héros, le jeune Nyobé a été élevé, auprès d’un père riche et tout puissant, époux polygame de deux femmes entouré de nombreuses maîtresses. Noybé a vécu toute son enfance dans la fascination de la puissance paternelle, mais au jour de la mort de ce père adulé, il réalise que « le système qui n’a pour seule fondation qu’une poutre représentée par le polygame, s’écroule dès que ce dernier rend l’âme ».

« Les Bureaux paternels » est un roman qui mêle fiction et éléments autobiographiques. Derrière ce titre, se cache une attaque en règle de la polygamie telle qu’elle est pratiquée au Togo. Pour l’auteur, né dans une famille polygame en 1982, la découverte d’un autre monde quand il s’est établi en Belgique en 2004, a été un choc ainsi qu’une remise en cause du système social englobant la polygamie, de son pays d’origine. Il prend alors conscience que la polygamie est une entrave au développement de l’Afrique qui passe par les femmes.

Elevé à 70% par des femmes, l’auteur a une admiration sans bornes pour son père décédé alors qu’il avait lui-même sept ans. Il est subjugué par l’emprise de son père sur les femmes. Sans porter de jugement moral sur l’adultère, il comprend que la monogamie « érigée en loi par la société occidentale », est une grande hypocrisie mais n’a rien à voir avec la polygamie légale dans de nombreux pays d’Afrique, qui « transforme en serpillière les femmes qui deviennent de grandes manipulatrices. Ce système n’a qu’une issue : le malheur et la mort prématurée ».

Que faire alors pour éradiquer la polygamie? Kalvin Soiresse Njall n’évoque pas de solutions dans son roman, mais lors d’une rencontre informelle, il a lancé plusieurs pistes et cite le Bénin, pays voisin du Togo, en exemple. En juin 2004, Un nouveau code de la famille a été adopté par le Conseil constitutionnel béninois. Il stipule que  « la polygamie est une discrimination à l’endroit des femmes et est contraire à la Constitution » aussi bien qu’à la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard de la femme qui date de 1979 et que le Bénin a adoptée et ratifiée en 1992.

Pour Kalvin Njall, l’éducation des filles doit en outre être repensée, il faut leur apprendre dès leur plus jeune âge à dire non à la polygamie. Les garçons quant à eux, doivent être élevés dans le respect de l’égalité entre les sexes. Mais tout cela ne peut se faire sans une politique volontariste, or au Togo, nombre d’hommes de pouvoir sont aussi polygames.

Toutefois, crise politique aidant, les jeunes Togolais sont aujourd’hui conscients des limites du système : la vie est chère, ils veulent moins d’enfants. Or l’entretien d’un foyer polygame coûte cher, et celui de maîtresses encore plus !

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