La sénilité n’excuse pas tout.
Ainsi donc, l’aigreur et les manières d’aristocrate bête et méchant n’ont pas quitté le vieux Gorgui. Après avoir cannibalisé tous les arcanes du pouvoir dans le but de les confier à son fils, après s’être fait chasser du pouvoir par un peuple conscient de son rôle, Abdoulaye Wade, 88 ans et toute sa tête, vient une fois encore de défrayer la chronique. Un dérapage calculé visant à déstabiliser psychologiquement son ancien protégé et ensuite ennemi, Macky Sall, aujourd’hui installé à la présidence de la république.
Au début de cette semaine, lors d’une réception d’un mouvement de soutien à son fils Karim, Abdoulaye Wade a traité le Président Macky Sall de «descendant d’esclaves qui a été sorti de son village, parce que ses parents étaient anthropophages». Plus loin, il ajoute que «l’insolence dont fait montre Macky Sall est incompréhensible», et qu’il «faut l’arrêter».
Au-delà de l’anecdote, cette insulte visant à faire personnellement mal à Macky Sall révèle en réalité un trait de caractère présent chez plusieurs élites africaines. Ces élites issues de familles installées depuis longtemps dans les hautes sphères de la hiérarchie sociale ou qui se sont récemment enrichies sur le dos de l’État qu’ils affirment servir. Ces élites qui ont ouvertement ou secrètement admiré le Blanc, esclavagiste et colon qui trônait au sommet de la hiérarchie des Noirs au cœur du système ségrégationniste colonial. Des élites qui ont toujours rêvé de prendre la place de ce colon et de devenir enfin comme ce dernier le chef de ces Noirs sauvages, anthropophages, non civilisés qui ne peuvent pas exercer le pouvoir et prendre leur destin en main. Et quand l’un de ceux qu’ils considèrent comme faisant partie de la caste des vermines arrive au sommet, ces élites sont frustrées et aigries. Elles ne manquent pas une occasion de rappeler ses origines à ce « moins que rien effronté » qui, à leurs yeux, a usurpé le pouvoir.
Cet épisode aura peut-être le mérite d’éclairer ceux qui en doutaient encore : il existe en Afrique une caste intellectuelle et élitiste représentée au niveau politique par d’anciens ou actuels chefs d’État – Abdoulaye Wade, Alassane Ouattara, etc. pour qui exercer le pouvoir n’est pas un mérite ou une conviction, mais un droit. Un droit acquis de par sa naissance ou ses origines sociales. En fonction de sa famille d’origine, on est appelé à occuper de hautes fonctions. Et si on désire arriver dans ces sphères en étant issu d’un milieu miséreux, il faut se faire coopter. C’est ainsi que Abdoulaye Wade peut sans aucune honte affirmer ces ignominies sur celui qu’il a autrefois nommé Premier ministre. Il considère que sans lui, le riche, aux origines aristocratique, Macky Sall, le descendant d’esclave n’aurait pas eu la chance de gravir les échelons. C’est la raison pour laquelle il ne comprend pas pourquoi le peuple s’est autant acharné sur sa politique népotiste qui devait avoir pour point d’orgue la succession royale promise à son fils Karim.
À ceux de son camp qui excusent ses propos scandaleux par la vieillesse, je réponds que dans le chef de Wade, la sénilité n’excuse pas tout. Mû par une volonté de vengeance personnelle, il a révélé ce qu’il est vraiment : un xénophobe aliéné par la colonisation qui n’a que du mépris pour les classes populaires.
En tant qu’Africain, j’ai honte qu’un tel personnage ait dirigé une des terres de ce continent.