Accompagnement personnalisé des élèves : un outil efficace de lutte contre les inégalités scolaires

Le 19 juillet dernière, lors de la dernière séance du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour la session parlementaire, nous avons voté un décret important, celui mettant en oeuvre l’accompagnement personnalisé des élèves. L’application de ce décret s’appliquera en premier lieu aux élèves de 1ere et 2e primaire.

Le vote de ce décret est un moment important dans la mise en œuvre du Pacte pour un enseignement d’excellence. Pacte qui préconise des mesures de fond dans tous les secteurs de l’enseignement obligatoire afin d’améliorer son niveau, ses résultats et ses pratiques. Le Pacte a préconisé la mise en place du Tronc Commun dont la mise en oeuvre a commencé depuis 3 ans. Ce vote est important parce que le Tronc Commun change la donne. Parce qu’il change le paradigme des solutions que nous appliquions jusqu’ici aux difficultés scolaires de nos élèves. Parce que par son contenu, il impose à notre système scolaire de sortir de ses habitudes. C’est-à-dire, régler la question des inégalités en entrant dans des logiques de séparation. Jusqu’à présent, ce que nous concevions comme étant la normalité était de mettre à l’écart les élèves qui avaient le plus de difficultés pour leur apporter une remédiation. Des élèves dont le niveau est jugé insuffisant et qui sont pris en charge certains après-midis par des enseignants qui s’impliquent activement dans la recherche de solutions. Mais prenions-nous le problème par le bon bout ? Prenions-nous la mesure de la solution en termes de moment d’intervention et de dispositif à appliquer ? Ce Tronc Commun nous oblige avec justesse à revoir notre vision de la différenciation pédagogique.

En premier lieu, c’est une différenciation des apprentissages qui commence très tôt pour éviter l’accumulation des difficultés qui vont s’échelonner tout au long du parcours scolaire. Cette mesure ajoutée à toutes celles qui ont été mises en place pour le renforcement de l’enseignement maternel garantissent un remède plus efficace. En tant qu’écologistes, nous avons toujours insisté sur les débuts de la socialisation des enfants : les 1000 premiers jours, l’entrée en primaire. Plus on s’y prend tôt plus l’effet est important. C’est ça l’égalité des chances. Car en vérité, il n’y a pas de levier plus puissant que l’école en termes de socialisation et d’égalité des chances.

Ensuite, la différenciation sur la méthode : la remédiation ne se passera plus par groupes différents hors de la classe, mais elle aura lieu dans la classe. La meilleure remédiation est celle qui est organisée directement au sein même des cours avec le regard bienveillant et juste du titulaire du cours ou de son collègue co-enseignant. J’insiste sur cet aspect des choses parce que certains, adeptes absolus de l’individualisation extrême des apprentissages, estiment que les élèves brillants vont être retardés par les élèves médiocres. Et on entend aussi cette crainte dans la bouche de certains parents qui sont habitués au système du marché scolaire. Envisager une classe comme une juxtaposition d’individualités n’a jamais renforcé aucun système scolaire et n’a jamais annihilé les inégalités.

L’école, la classe, ce n’est pas seulement un lieu où l’on vient avoir de très beaux points. L’école, c’est d’abord un lieu où l’on vient se former à devenir une personne, un lieu où l’on apprend des valeurs telles que la solidarité. Et d’ailleurs, dans ce dispositif d’accompagnement personnalisé, le système des pair-aidants en est un très bel exemple. Des élèves qui ont le moins de difficultés dans une activité viennent apporter un appui à celles et ceux qui en ont le plus sous le regard de l’enseignant. Peut-on affirmer que celui ou celle qui aide n’apprend rien ? Bien au contraire ! En expliquant avec ses mots, il approfondit sa compréhension de la matière. Et c’est aussi l’apprentissage de la solidarité et de l’empathie dont nous avons besoin et dont notre société aura encore plus besoin avec les crises qui se multiplient.

N’oublions jamais que les difficultés accumulées le plus souvent par des élèves dont la culture familiale est éloignée de celle de l’école tient aux caractéristiques des situations d’apprentissage mises en œuvre. L’école ne s’adapte pas assez aux codes des milieux défavorisés. Les enfants qui maîtrisent ces codes maîtrisent mieux les situations d’apprentissage. C’est pour cela que le débat sur les périodes FLA (Français Langue d’Apprentissage) présent dans l’examen de ce décret est si important. La langue d’apprentissage est le premier outil scolaire. Sans m’étendre sur ce point, je rappelle qu’en commission, nous avons demandé à la Ministre de travailler à une meilleure objectivation des besoins sur le terrain. L’évaluation de l’utilisation des moyens a permis à raison au gouvernement d’ajuster les moyens au vu de l’explosion budgétaire. Mais du terrain, nous parviennent encore des échos d’une augmentation des besoins. En tant que députés, nous ne pouvons qu’inviter le gouvernement à cette objectivation des besoins pour mieux calibrer les moyens.

Vous l’aurez compris, en tant qu’écologistes, nous sommes convaincus que l’accompagnement personnalisé est un outil puissant pour lutter contre les inégalités, en identifiant le plus tôt possible les difficultés pour y remédier. C’est aussi un adjuvant dans la lutte contre le redoublement et les retards scolaires, à la fois coûteux pour l’élève et pour la collectivité.

Nous serons attentifs à ce que la mise en œuvre de l’accompagnement personnalisé soit fluide et ne rajoute pas de la lourdeur administrative pour les directions du fondamental, déjà débordées.

Il s’agira également de nous assurer que les équipes pédagogiques reçoivent bien les formations et l’outillage nécessaire pour intégrer le co-enseignement et les activités de soutien, consolidation et dépassement dans leur pratique quotidienne. La bonne utilisation du DACCE (Dossier d’ACCompagnement de l’Élève), qui matérialisera l’accompagnement personnalisé, devra également faire l’objet d’un suivi attentif.

Les 2 ans de pandémie qu’ont vécus nos écoles et nos élèves ont laissé des stigmates ; des retards, des lacunes. La mise en œuvre de l’accompagnement personnalisé, tout comme les moyens que nous confirmons via ce décret vont sans aucun doute aider à améliorer la situation, à limiter la casse.

Enfin, la mise en œuvre progressive avec une année transitoire va laisser aux équipes le temps d’anticiper et d’imaginer les dispositifs adéquats, et de se former.

Pour conclure, je dirai que comme écologistes, nous sommes du côté de tous les mécanismes qui luttent contre les inégalités scolaires, et permettent à l’école de jouer son véritable rôle d’émancipation citoyenne pour toutes et tous. Ce décret est incontestablement de ceux-là.