Abdoulaye Wade, la vieille épave qui s’accroche

Article publié pour la première fois le 8 octobre 2010 sur mon ancien blog.

Il était une fois un beau bateau qui fendait les flots tel un géant majestueux des mers que rien ne pouvait arrêter. Il était une fois une embarcation tellement luisante et belle qu’aucun pirate des mers n’arrivait à l’aborder de force. Une embarcation qui, pour une fois, n’accostait pas en Afrique pour la piller et la violer ou encore la vendre à d’autres peuples. Du moins le croyait-on. Aujourd’hui, cette belle embarcation triomphante qui avait soulevé un vrai espoir sur le continent est devenue une épave fissurée qui s’est enracinée dans la boue. Cette épave, c’est bien le président sénégalais Abdoulaye Wade.

Qu’est devenu Abdoulaye Wade, le vieil et irréductible opposant aux régimes de Léopold Sédar Senghor et d’Abdou Diouf ? Qu’est devenu celui qui symbolisait en 2000 le renouveau dans la façon de diriger les pays africains ? Rien de moins qu’un assoiffé de pouvoir qui s’accroche à son fauteuil. En 2000, j’avais 18 ans et j’entrais dans ma dernière année lycéenne. Ma conscience politique commençait véritablement à mûrir quand la déferlante du “Sopi” (changement en ouolof, la langue majoritaire du Sénégal) s’abattit sur notre génération. Nous criâmes nous aussi depuis nos lycées “Sopi! Sopi!” Cette fois, l’Afrique tenait le bon, il tenait enfin celui qui allait mener la vraie lutte après Sankara. Du moins le croyait-on. Quarante ans d’opposition, les va-et-vient en prison, une aura inébranlable et le verbe acerbe contre la France, la voleuse d’espoir de l’Afrique. Tous ces ingrédients nous permettaient d’y croire. Dix ans plus tard, le déchantement est incommensurable. Gorgui Wade a déçu encore plus allant jusqu’à vouloir copier la nouvelle mode monarchique des dictatures africaines. Imposer Karim son fils (à l’arrière-plan sur la photo), telle est visiblement son envie. Aujourd’hui, le fils est mis sur un piédestal en tant que super ministre d’Etat avec plusieurs attributions. La rampe de lancement est mise en place. Mais le Sénégal ne serait pas le Sénégal sans ses habitants qui lancent des défis aux dirigeants qui ne les écoutent pas. La défaite cuisante de son fils aux municipales a fait comprendre à la vieille épave que Karim ne monterait pas si facilement sur le trône. Abdoulaye Wade se sent obligé de s’accrocher au pouvoir en réclamant un 3e mandat alors que la Constitution lui en accorde seulement deux.

“La Constitution me permet de me représenter. Le problème c’est qu’au Sénégal, chacun se prend pour un juriste. Mais, quand même, si vous ne savez pas, il faut vous taire et laisser ceux qui savent, parler”, a affirmé le chef de l’Etat. Et Monsieur le président, grand juriste de tous les temps devant l’éternel s’est donné lui-même raison. Pour Abdoulaye Wade, sa volonté doit être faite, n’en déplaise à ses opposants qui doivent aller e se faire voir ailleurs.

La controverse portait sur la recevabilité ou non de la candidature d’Abdoulaye Wade car la constitution  limite à deux, depuis 2001, le mandat du président de la République. Le mandat avait été ramené de 7 à 5 ans. La question qui se pose est de savoir si le mot mandat a une signification différente, qu’il soit de 5 ou de 7 ans. Pour s’accrocher au pouvoir, tous les moyens sont bons même celui de faire dire à la loi fondamentale ce qu’elle ne veut pas dire et vouloir embrouiller juridiquement l’opinion publique.

Wade a effectué deux mandats, il doit, dans l’esprit de la constitution, partir.