Kalvin Soiresse Njall, un auteur engagé dans son roman « Les Bureaux Paternels »

Parmi les articles rédigés sur le roman que j’ai fait paraître l’an dernier et que j’ai eu à lire, celui retranscrit ci-bas est en termes de style, d’originalité et de convivialité le plus beau. Je remercie Banamboka et surtout Sorana MUNSYA, l’auteur  pour avoir su tirer de notre rencontre préparatoire à l’écriture de cet article une sève inspiratrice de très bon goût pour  sa rédaction.

“Une silhouette longiligne, un visage mutin et doux caché derrière de fines lunettes. Voilà comment on pourrait décrire Kalvin Soiresse Njall la première fois qu’on l’aperçoit. Nul ne pourrait se douter de l’expérience dont il est riche et de l’intelligence avec laquelle il s’en sert dans l’écriture. Sa plume est légère et percutante dans le même temps, réaliste et subtile à la fois. Il a la capacité de nous faire plonger instantanément dans son univers et de nous en faire découvrir avec la même simplicité ses méandres et rouages.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Rentrer dans une société comme celle africaine qui au-delà des apparences stéréotypées présente une complexité. Une complexité sociologique, historique, politique et même sociale. Dans « Les Bureaux Paternels », l’auteur aborde le sujet (très porteur de débat) de la polygamie. C’est à travers le personnage principal du roman pris dans un tourbillon psychologique que Kalvin Soiresse Njall fait découvrir au lecteur non seulement l’ampleur du phénomène mais aussi ses causes. Causes qui ne sont pas si évidentes à comprendre dû la complexité de la société.

On sent l’écriture et le style engagés. En effet, la subjectivité de l’auteur ne fuit pas le regard du lecteur. Elle est assumée, mais tout en décrivant une réalité que nul ne pourrait nier aujourd’hui.

C’est donc un livre que l’association Banamboka conseille vivement. Car tout en restant instructif sur les réalités de la polygamie, le lecteur se trouve instantanément plongé dans un univers… Serait-ce celui de Kalvin ? Car une question persiste : Est-ce une autobiographie ?

Né le 22 juin 1982 de parents Togolais et Camerounais, Kalvin a fait ses études primaires et secondaires au Togo. Il y a également commencé ses études universitaires en droit pour les poursuivre à Bruxelles avec un Master en Sciences politiques.

Aujourd’hui il est écrivain, auteurs d’un roman (les Bureaux paternels) et d’un recueil de poème « Pensées nègres d’Europe ». Il est également journaliste-correspondant sports de BBC Afrique en Belgique et correspondant de médias togolais en Belgique (Sport FM, Global Sport)  ainsi que journaliste à Radio Campus Bruxelles dans l’émission africaine Sous l’Arbre A Palabre.

Activiste social et des droits de l’Homme, il a fondé l’asbl « Goto Togo » qui vient en aide aux jeunes filles en souffrance sociale du Togo et travaille aussi pour Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie (MRAX). Il est aussi membre du Collectif Mémoire Coloniale et Lutte contre les Discriminations.

 Depuis quand écris-tu et d’où te vient cette passion ?

J’écris de manière sérieuse et structurée depuis l’âge de 16 ans. Cette passion me vient de différents horizons :Tout d’abord mon père qui m’incitait à la lecture et qui voulait que l’on soit cultivé.Je me suis pris au plaisir d’écrire suite aux résumés que je faisais à la demande de la bibliothécaire du village dans lequel je vivais au Togo quand j’avais 16 ans. Elle pensait que je ne lisais pas les livres que j’empruntais mais que je ne faisais que les feuilleter ; En faisant ces résumés, je me suis rendue compte que j’aimais ça. J’ai commencé à modifier les scénarios originaux des auteurs. Et plus tard, j’ai dirigé le club journal de mon lycée au Togo. Il fallait écrire des articles.

Si tu pouvais me citer un nom qui représente ton modèle, lequel citerais-tu spontanément ?

Mon premier modèle, c’est ma mère. Je trouve le parcours de cette femme qui m’a eu à 18 ans seulement incroyable de dignité, de courage et de droiture.

Sinon, à un autre niveau, j’ai un modèle politique : Patrice Lumumba. Un homme politique dont j’admire la droiture, les convictions mais également la pensée politique et le modèle qu’il voulait construire dans son pays.

Qu’est-ce qui t’as donné l’idée d’écrire sur ce thème ?

Ce qui m’a donné l’idée d’écrire ce livre c’est tout d’abord le parcours de ma mère face à mon père. Cette jeune fille frêle et faible et sans défense face à cet homme déjà fort, assez marqué par son caractère de militant politique camerounais exilé. En repensant à cette relation inégale et de souffrance pour ma mère, j’ai pensé aux sociétés africaines où le statut social et sociétal de la femme n’est pas enviable.

La deuxième inspiration est venue du Bénin où vit ma grand-mère adoptive et où les femmes ont en 2004 effectué une mobilisation exceptionnelle pour s’opposer à la légalisation de la polygamie votée par les hommes en majorité au parlement. Et la Cour constitutionnelle leur a donné raison !

Enfin, je suis un lumumbiste, don quelqu’un qui est du côté de la vraie souveraineté de l’Afrique et de sa vraie indépendance pour lesquelles je lutte à niveau. Pour y arriver, il faudrait libérer l’Afrique des corrompus et des corrupteurs qui la pillent. Cependant, on ne peut prétendre libérer les sociétés africaines en enfermant une de leurs composantes (féminine) dans l’injustice et l’inégalité ! C’est donc une conviction politique pour le développement de l’Afrique

Te sens-tu un écrivain engagé ?

Je ne conçois pas l’écriture sans engagement. Dans ma vie, à tous les niveaux, je suis quelqu’un d’engagé. Je donne toujours mon avis. Je dis toujours ce que je pense. Je suis très méfiant par rapport à la neutralité qui peut être une hypocrisie ou pire une lâcheté !

Est-ce une autobiographie ?

Le livre est à 70% une autobiographie dans l’agencement des chapitres et dans certains personnages. Il faut dire que tout part d’une histoire vraie qui est fortement romancée.

Quelle est ta position par rapport à la polygamie ? Peut-on dire que ce soit mauvais à 100% ?

La polygamie de par ses conséquences sociales et sociétales est un très mauvais phénomène. Non seulement au niveau légal, c’est très mauvais sur le plan social, il infériorise la femme. Il crée des poches de misère dans beaucoup de pays africains et est une formidable machine à injustices : elle installe une manière de penser les relations entre les hommes et les femmes qui font que ces dernières sont discriminées à tous les niveaux et maltraitées. La conception polygamique entraîne aussi souvent les mariages forcés de jeunes filles à des hommes mariés, les maltraitances etc.

Cependant, la polygamie abstraite de ses scories sociales ne peut être jugé dans la mesure où ce sont des personnes qui décident librement de leurs relations. A une condition : si une femme a librement des relations de polyandrie, qu’elle ne soit pas plus condamnée qu’un homme.”

avatar

Sorana Munsya, rédactrice pour Bana Mboka