Coronavirus : la panique et le racisme anti-asiatique

Depuis le début de la pandémie du coronavirus, des réflexes racistes enfouis dans la conscience historique de nos sociétés se sont réveillés. Les actes racistes anti-Chinois ou anti-asiatiques se sont multipliés. Des faits d’agressions morales (insultes, menaces) et d’agressions physiques ont été signalés. Des plaintes ont été déposées. Le coronavirus n’a pas créé ce racisme. Cette pandémie n’est que l’énième symptôme de ce mal enfoui dans la conscience historique de nos sociétés et qui a un impact certain sur les consciences individuelles. Un travail politique sérieux doit être effectué sur le sujet. La peur de l’autre, la panique exacerbent ces réflexes horribles. Certains médias, par leur traitement stéréotypé de l’actualité contribuent également à la désignation des personnes d’origine asiatique comme des boucs-émissaires. C’est pourquoi tant au parlement bruxellois qu’au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, j’ai pris l’initiative d’interroger les Ministres Nawal Ben Hamou et Frédéric Daerden sur la question.

J’ai eu l’occasion de rencontrer Renaud André, responsable de l’association Asia 2.0 qui est l’une des rares associations qui lutte activement contre le racisme antia-asiatique en Belgique et en France. Cette association a récemment lancé la campagne “Et après le coronavirus, vous ferez quoi ?” En effet, la lutte contre ce racisme ne doit pas se limiter à l’effet d’actualité qu’il entraîne. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser cette lutte dans l’invisibilité dont elle souffre depuis très longtemps. Il est temps d’agir et je prendrai ma part avec mon parti Écolo dans cette lutte. Notre action politique a commencé et ne va faire que se renforcer.

Vous trouverez ci-dessous l’interpellation adressée à Madame Ben Hamou.

Demande d’interpellation de Monsieur Kalvin SOIRESSE NJALL, Député ECOLO à Madame Nawal Ben Hamou, chargée du Logement et de l’Egalité des Chances

Concerne : Les mesures prises ou envisagées en vue de prévenir et de lutter contre la résurgence du racisme anti-asiatique lié à l’épidémie de coronavirus

Madame la Secrétaire d’État,

L’épidémie de coronavirus a entraîné des craintes, des peurs et parfois de la panique au sein de la population. Ces peurs peuvent être légitimes car une épidémie est un phénomène qui entraîne des réflexes de protection et de méfiance. Quand on parle du coronavirus aujourd’hui, les populations pensent automatiquement à la Chine, à l’Asie et par extension aux Chinois.e.s, aux Asiatiques mais aussi personnes de racine chinoise et asiatique. Des citoyennes et des citoyens belges ou étrangers d’origine asiatique qui vivent paisiblement en Europe, en Belgique et à Bruxelles sont victimes de comportements profondément racistes et de stigmatisations inacceptables. L’association “Asia 2.0” rapporte les centaines de plaintes reçues à ce sujet depuis le quelques semaines1.

Madame la Secrétaire d’État,

Le racisme anti-asiatique fait partie de ces haines dont on parle peu mais qui est bien ancré. Comme l’antisémitisme, la négrophobie, l’islamophobie, le racisme anti-arabe, la romaphobie, le racisme contre les gens du voyage, etc., il est profondément ancré dans la conscience historique de notre société. L’actualité liée au coronavirus ne fait que révéler ce qu’on ne voyait pas assez et qu’on ne mettait pas assez en exergue. Contrairement au passé, les victimes de racisme anti-asiatique s’expriment beaucoup plus. Comme dans d’autres populations bruxelloises, on observe aussi chez nos concitoyennes et concitoyens de racine asiatique des nouvelles générations une envie de s’ancrer dans leur citoyenneté en Belgique et à Bruxelles. Avons-nous assez conscience aux niveaux politique et sociétal de la diversification de notre société du point de vue du cosmopolitisme et du métissage ? Avons-nous assez conscience aux niveaux politique, social, institutionnel et médiatique de cette réalité palpable ? Avons-nous assez conscience de la fin d’une société ethniquement homogène ? Avons-nous assez conscience des représentations négatives ancrées dans nos mentalités par notre passé historique ? Ce sont des questions que je me pose et que nous devons nous poser collectivement en permanence pour avancer. La Belgique et Bruxelles ont toujours été des terres d’accueil. Des terres sur lesquelles des personnes admirables ont à travers l’histoire tendu la main aux étrangers. Mais comme d’autres terres d’Europe, la Belgique a aussi été sous la coupe de propagandes historiques déshumanisantes. Rappelons-nous de la fameuse propagande du “Péril Jaune” qui a traversé toute l’Europe à la fin du 19e siècle et qui a ancré jusque aujourd’hui dans notre imaginaire collectif les représentations négatives sur les personnes d’origine asiatique ? La sensibilisation, la lutte contre les discriminations, l’antiracisme judiciaire sont des outils indispensables. Néanmoins, elles montrent parfois qu’elles ne sont pas assez efficaces. Elles doivent être complétées par un travail structurel sur notre conscience historique collective. Un travail structurel de déconstruction mentale des représentations. Il ne suffit pas d’enseigner ou vulgariser l’histoire à l’école secondaire. Un citoyen ou une citoyenne doit être accompagné.e dans ses activités et dans ses loisirs (écoles, universités, espace public, associations, théâtres, cinémas musées, sports, médias, etc.) par des contre-modèles positifs. Une plus grande visibilité des contre-modèles positifs par rapport aux différentes propagandes racistes du passé est un remède qui produira des effets à long terme et pourra régler le problème à la racine.

Madame la Secrétaire d’État,

1. Suite aux différents faits qui se sont multipliés ces dernières semaines, quels dispositifs avez-vous mis en place ou comptez-vous mettre en place pour lutter contre ces faits de racisme antiasiatique ?

2. Quelles mesures envisagez-vous de manière structurelle pour déconstruire les propagandes ou rumeurs historiques qui renforcent le racisme anti-asiatique ?

3. On voit émerger des associations qui luttent contre le racisme anti-asiatique. Ces associations sollicitent-elles des moyens publics financiers ou de visibilité dans la sphère publique ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour leur apporter beaucoup de soutien ?

Je vous remercie d’avance pour vos réponses.

Kalvin SOIRESSE NJALL

Député ECOLO

1 Coronavirus : “Nous sommes des Jaunes, des Chinetocs ou des Jacky Chan“,

https://www.rtbf.be/info/societe/detail_coronavirus-nous-sommes-des-jaunes-des-chinetocs-ou-des-jacky-chan?id=10421990&fbclid=IwAR0oBj9_phe2SP4G82yekbLf09BV2gqRN_1Paj6moStBRh8bHBPl_pK58x8