“Les Afriques à Bruxelles” : hommage au Dr Mamoudou Barry, espoir panafricain assassiné

“Le panafricanisme ne doit pas rester une idéologie mais doit être plutôt une action.” Ainsi s’exprimait le Docteur Mamoudou Barry, intellectuel africain de Guinée et grand espoir du panafricanisme. Un projet politique dans lequel il croyait profondément et vers lequel sa réflexion intellectuelle était orientée. Il avait soutenu une thèse de droit sur les «Politiques fiscales et douanières en matière d’investissements étrangers en Afrique francophone» le 27 juin à Rouen. Mamoudou Barry a été assassiné à Rouen en France le 19 juillet 2019, un soir de finale de coupe d’Afrique des Nations entre l’Algérie et le Sénégal. Le tueur portait un maillot du club turc de Galatasaray.

Alors que l’enquête n’a pas encore livré tous ses secrets, beaucoup en conviennent, l’atmosphère entre supporteurs dits “africains” et supporteurs dits “arabes” lors de la grand-messe du football africain est parfois irrespirable. La religion et la couleur de peau étant parfois des facteurs d’identification qui enveniment les débats. Ainsi donc, contrairement aux années 1950, 1960 et 1970 où le panafricanisme était un trait d’union idéologique entre les différentes communautés issues du continent africain en diaspora, les relations sont aujourd’hui extrêmement cloisonnées à Bruxelles.

Ce vendredi 13 juillet à l’Université Libre de Bruxelles, j’étais invité à une conférence intitulée “Les Afriques à Bruxelles” en hommage au Dr Mamoudou Barry. Jusque dans les années 1980, l’ULB était encore un lieu d’activisme et de stimulation intellectuelle pour tout.e.s les étudiant.e.s. Les Africain.e.s n’y faisaient pas exception. C’est cette ambiance de lutte fraternelle et panafricaine qui a d’ailleurs conduit à la création des émissions africaines de Radio Campus “Sous l’Arbre À Palabre” et “Souffles nègres” devenue “Africana”. Les fractures identitaires entre les Africain.e.s du Maghreb et les autres n’étaient pas aussi ancrées. Nous sommes ensuite passés à une fracture identitaire dans laquelle même des Berbères qui n’ont aucune parenté ou ascendance arabe s’appellent et s’identifient comme “Arabes”. Ce sont certainement des personnes qui ont été influencées par la culture arabe. Mais aujourd’hui, il règne chez certain.e.s une ambiance de rejet de l’africanité ou même de l’Afrique comme lieu de provenance géographique de leurs ascendants. Le cloisonnement identitaire est encore plus renforcé en Belgique. Sur base d’observations empiriques, on peut remarquer que les fréquentations, les luttes associatives et politiques, les mariages, etc. sont extrêmement cloisonnés. Plusieurs facteurs sont à la base de cette évolution identitaire que l’on a observé depuis plusieurs années : les parcours migratoires, le facteur religieux, la culture de l’ignorance historique qui a un impact sur la racisme intercommunautaire (négrophobie ou islamophobie). L’abcès historique de l’esclavage et l’actualité de la négrophobie dans les pays du Maghreb sont des facteurs aggravants.

Aujurd’hui, il est urgent de retisser du lien politique et humain entre Africain.e.s et Afrodescendant.e.s de toutes origines. Il faut renouer avec le panafricanisme politique et sociétal présent à Alger ou à Rabat au moment des luttes communes pour la liberté. Ceci doit se faire sans éviter l’important travail de mémoire sur les faits historiques qui créent des crispations. Que l’on ait des origines d’Afrique du nord ou d’Afrique subsaharienne en diaspora, des espaces de dialogue et de luttes politiques doivent être reconstruits entre les différentes communautés. Ceci pour l’avenir du continent africain mais aussi pour lutter contre toutes les injustices et toutes les inégalités : climatique, sociale, identitaires en Europe.

Merci à Marie-Soleil Frère et aux doctorant.e.s de l’ULB qui ont voulu et organisé cette soirée. Nous poursuivrons la vision et la lutte politique de notre frère, le Dr Mamoudou Barry.